
L'Armée des Romantiques
« Faites-le comme vous voulez mais faites-le beau ! »
C’est sous la bannière de L’Armée des Romantiques que se sont rassemblés des compagnons fidèles tels que le pianiste Rémy Cardinale, le violoncelliste Emmanuel Balssa, les violonistes Girolamo Bottiglieri, François James, Raya Raytcheva, les altistes Caroline Cohen-Adad, Nadia Rigolet, le clarinettiste Lorenzo Coppola et les chanteurs Lucie Roche, Magali Léger, Alain Buet. Cette armée bien singulière a pour ambition de réinterpréter les chefs d’œuvre de la musique de chambre du XIXe siècle sur instruments historiques, en repositionnant cette musique novatrice dans le contexte intellectuel et artistique de l’époque.
Lucie ROCHE
Lucie Roche est née à Marseille. Elle y a suivi le cursus du Conservatoire et étudié au CNIPAL (Centre National d’Insertion Professionnelle des Artistes Lyriques).
Elle est depuis invitée pour les rôles de : Carmen (Daegu opéra – Corée du Sud) ; Dulcinée Don Quichotte (Opéra de Saint-Étienne) ; Madame de Croissy Les Dialogues des Carmélites (Opéra de Bordeaux) ; La Maman, La Tasse chinoise, La Libellule L’Enfant et les Sortilèges (Festival d’Aix en Provence, Nantes-Angers opéras) ; Waltraute et Grimgerde Die Walküre (Grand théâtre de Genève, Opéra de Marseille) ; Federica Luisa Miller (Opéras d’Angers, Rennes et Nantes) ; Maddalena Rigoletto (Opéra de Toulon) ; Alisa Lucia di Lammermoor, Marie Moïse et Pharaon et Madame Prune Madame Chrysanthème (Opéra de Marseille) ; Nicklausse, La Muse Les Contes d’Hoffmann (Opéra de Saint-Étienne) ; Olga Eugène Onéguine (Opéra de Rennes) ; la Princesse Clarice L’Amour des Trois Oranges (Opéras de Nancy, Dijon et Limoges) ; Geneviève Pélleas et Mélisande (Théâtre de Neuchâtel) ; Madame Flora The Medium (Festival de Sédières) ; une Fille fleur Parsifal (Opéra de Nice) ; Klementia Sancta Susanna (Festival Musiques Interdites) ; Dryade Ariadne auf Naxos (Théâtre des Champs-Elysées, Opéra National de Lorraine) ; Soeur Mathilde et Mère Jeanne Dialogues des Carmélites (Opéra de Bologna, Théâtre des Champs-Elysées, Opéra de Marseille) ; la Première Magd Elektra (Opéra de Marseille) ; la Troisième Dame La Flûte Enchantée (Opéras de Toulon et de Marseille)… ainsi que pour les re-créations des Amants Magnifiques de Molière et Lully en tournée avec Le Concert Spirituel et de L’Oristeo de Cavalli avec Concerto Soave.
Elle participe aux créations des opéras de Jonathan Dove au Festival d’Aix en Provence dans Le Monstre du Labyrinthe (rôle de la Mère) sous la direction de Sir Simon Rattle ; de Jean-Claude Petit à l’Opéra de Marseille dans Colomba (rôle de Miss Victoria) sous la direction de Claire Gibault, et de Fabien Barcelo dans Évariste Galois (rôle de Berthe) avec l’orchestre d’Avignon sous la direction de Quentin Hindley.
Elle a interprété lors de festivals et saisons symphoniques : les Knaben Wunderhorn de Mahler, L’Amour Sorcier de De Falla, le Requiem de Verdi, Elias de Mendelssohn, la Missa Solemnis de Beethoven, le Requiem de Duruflé, la Petite Messe Solennelle et le Stabat Mater de Rossini, le Requiem et la Messe du Couronnement de Mozart, le Gloria et le Dixit Dominus de Vivaldi, le Stabat Mater de Pergolese, le Messie et le Dixit Dominus de Haendel, Les Sept dernières paroles du Christ de Haydn, La Vierge de Massenet, le Stabat Mater de Dvorak…
Rémy Cardinale
Pianiste, pianofortiste, soliste et chambriste, Rémy Cardinale a développé un goût particulier pour l’interprétation des œuvres sur instruments historiques.
Il reçoit au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris les enseignements de Ventislav Yankoff, Pascal Devoyon, Christian Ivaldi et Ami Flamer où il obtient un 1er Prix de piano et un 1er Prix à l’unanimité de musique de chambre. Il effectue un cycle de perfectionnement de musique de chambre et entre dans la classe de préparation aux concours internationaux de Jean-Claude Pennetier. Il travaille alors à l’occasion de master classes avec Paul Badoura-Skoda, Gyorgy Sebök, Léon Fleischer, Charles Rosen, Malcom Bilson, Véronika Hagen, Valentin Herben…
Passionné par les instruments anciens, Rémy Cardinale étudie le pianoforte auprès de Patrick Cohen, et remporte le 1er Prix de pianoforte au CNSMD de Paris et le 4ème Prix du concours international de Bruges en 2001. Sa rencontre avec Patrick Cohen est déterminante dans l’orientation de ses choix artistiques.
Il mène alors une carrière sur les scènes nationales et internationales (Salle Gaveau, les Philharmonies de Paris, Varsovie et Minsk, Festival de l’Académie Bach en Normandie, Festival Mars en Baroque de Marseille, Tage Alter Musik in Herne, Clavier-festival Ruhr, Klarafestival de Bruxelles, MAFestival de Bruges…) et enregistre des disques consacrés à Mozart, Haydn, Beethoven, Chopin, Brahms, Fauré et Franck chez Syrius, Alpha, et L’Autre Monde.
L’année 2010 sera marquée par la naissance de « L’Armée des Romantiques » dont Rémy Cardinale est l’un des fondateurs. Cet ensemble de musique de chambre explore plusieurs facettes de la musique romantique sur instruments historiques en redonnant les lettres de noblesses à « la musique pure ».
Parallèlement, il enseigne les différents pianos anciens au Conservatoire à Rayonnement Régional d’Aix-en-Provence et est chargé d’enseignement en musicologie à l’université d’Aix-Marseille.
Sonate n° 3 op 5 en fa mineur pour piano
Allegro maestoso
Andante. Andante espressivo – Andante molto
Scherzo. Allegro energico
Intermezzo Andante molto
Finale. Allegro moderato ma rubato
Lieder
Von Ewiger Liebe, opus 43 n°1
Wie Melodien zieht es mir, opus 105 n°1
Die Mainacht, opus 42 n°2
Meine Liebe ist grün, opus 63 n°5
Vier ernste Gesänge op. 121
Que dire de plus ! Cette phrase de Brahms a été relayée par la pianiste Fanny Davies (1861-1934) qui eu la chance de côtoyer le maître dans les dernières année de sa vie.
Brahms avait pour habitude de tester ses nouvelles œuvres en concert avant toute publication. Quand il s’agissait de pièces avec piano il en assurait la partie, quand c’était pour orchestre ou chœur, il prenait la baguette. En septembre 1887 il se rendit en compagnie du violoniste Joseph Joachim et du violoncelliste Robert Hausmann à Baden-Baden, ville thermale très à la mode à cette époque afin d’y présenter son double concerto pour violon et violoncelle op.102. À son arrivée dans l’après-midi, nous raconte Clara Schumann qui se trouvait sur place, Brahms exprima le désir de lire avec ses amis une nouvelle pièce de musique de chambre nouvellement édité : son dernier trio op. 101. Partie à la recherche de cette partition dans toute la ville, en vain, Clara demanda à son élève Fanny Davies, si elle n’avait pas un exemplaire du trio en question. Par chance, elle l’avait ! C’est ainsi que cette jeune pianiste anglaise fit la connaissance de Brahms. Lui amenant la partition, Clara demanda si son élève pouvait assister à cette répétition discrètement dans un coin. « Il grogna et maugréa son approbation ».
Les trois géants jouant le trio op.101, Clara tournant les pages, quel tableau !
Cette histoire est tout simplement extraordinaire. Combien d’artistes musiciens auraient aimé vivre cette rencontre avec l’un des plus illustres compositeurs romantiques.
Quelques années plus tard, dans un document précieux, Fanny Davies décrira avec une précision inouïe le jeu de Brahms et les commentaires qu’il fit lors de cette séance de musique à peine imaginable.
« Quand Brahms jouait on savait exactement ce qu’il voulait transmettre à ses auditeurs ». Son jeu est décrit comme « calme et majestueux, parfois sauvage et fantastique, avec une profonde tendresse sans sentimentalité, un humour délicat, capricieux, sincère, avec une noble passion ». Ce témoin privilégié loue son legato qui est devenu légendaire aujourd’hui, Brahms « commence bien ses phrases, les termine bien, laisse beaucoup d’espace entre la fin d’une phrase et le début d’une autre, tout en les rejoignant sans interruption. […] On pouvait entendre qu’il écoutait très attentivement les harmonies intérieures et qu’il mettait bien sûr l’accent sur les bonnes basses. […] Il ne s’attarderait pas sur une note seulement, mais sur une idée complète, comme s’il était incapable de se détacher de sa beauté. Il préférerait rallonger une mesure ou une phrase plutôt que de la gâcher en faisant rentrer le temps dans une mesure (tempo métronomique ) »
Ces dernières descriptions mettent l’accent sur l’éloquence, la déclamation et la diction qui sont pour lui indissociables du discours musical. Sa manière d’interpréter était « libre, très élastique, expansive, sans que l’équilibre rythmique en soit désorganisé ». Les propos qu’on lui connaît contre les indications métronomiques vont dans le sens de la description d’un jeu souple n’hésitant pas à distordre les rythmes notés sur la partition pour servir l’expression voulue. « Un Brahms strictement métronomique est impensable ! »
Suite à cette répétition, Fanny Davies nota sur sa partition de nombreuses observations : 18 estimations de métronome pour l’ensemble de l’œuvre, des adjectifs décrivant les états d’âme, des marquages dynamiques, des liaisons et divers types d’accents, sans oublier les prises de temps au sein même des phrases musicales… Annotations qui accentuent ou révisent les propres directives de Brahms éditées sur la partition.
Ce genre de document est extrêmement rare dans l’histoire de la musicologie. Le fantasme contemporain qui nous guide vers le désir de connaître avec précision les moindres envies du compositeur est ici presque réalisé. Nous pourrions avec cette somme d’indications restituer le jeu de Brahms, comme si on y était. Mais le mythe de l’authenticité ne nous emmènerait-il pas à faire fausse route si nous n’en restions qu’au niveau de la restitution ? Ce que nous révèle sans le vouloir peut-être cette jeune pianiste c’est l’attitude extrêmement libre de Johannes Brahms devant ses propres oeuvres. Un compositeur qui exalte l’acte interprétatif de l’exécutant, qui invite le musicien à proposer quelque chose de personnel, de profond au détriment du texte édité, mais au service de l’œuvre interprétée. Un musicien qui privilégie « le détail sur l’unité » plutôt que l’inverse comme dirait Mathis Lussy dans son « traité de l’expression musicale » des années 1870.
Cette répétition entre ces immenses musiciens, artistes de premier plan d’une époque déjà lointaine, miraculeusement gravée sur papier par une pianiste sensible aux détails qu’elle entendit, doit nous inviter à nous saisir de l’esprit romantique et à tourner le dos aux faux espoirs de restitutions historiques qui ne répondent qu’à l’idéologie néoclassique de notre époque.
Vous l’aurez compris, L’Armée des Romantiques ne tiendra aucun compte des indications de Brahms relayés par Fanny Davies, à l’exception de… « Faites-le comme vous voulez mais faites-le beau ! »
- Cardinale