Rencontre avec Thibault Noally

Thibault Noally sera présent à Sinfonia pour deux concerts avec son ensemble Les Accents : Giuditta de Scarlatti et les Sonates en trio de Bach.

Nous sommes très contents de venir faire ces deux concerts, qui mettent sur le même plan Bach et Scarlatti. Bach est un compositeur de génie très à part, insondable. Scarlatti est un génie unique qui a eu le même impact sur la musique italienne que Bach sur la musique allemande.

Scarlatti a écrit plus d’une trentaine d’oratorios qui se divisent en général en deux catégories : les oratorios philosophiques ou théologiques où les personnages sont des allégories (le temps, la charité, la foi…), et les oratorios sur des thèmes bibliques s’apparentant à des péplums antiques. Giuditta est un oratorio de la première période de Scarlatti, et appartient à la deuxième catégorie. En une heure quinze de musique, c’est une sorte de péplum en musique, d’action très théâtrale et militaire conduite à un rythme très soutenu avec beaucoup de rebondissements, comme un opéra miniature. S’il annonce le style de Scarlatti à venir, il reste ancré dans le 17e siècle avec des passages qui font penser à Monteverdi et Cavalli.

Quant à elles, les sonates de Bach sont un programme peu donné. Quatre des sonates que nous jouons sont dites en trio, car elles sont composées pour un organiste qui joue trois parties en même temps : main gauche, main droite et pédales. Elles se prêtent donc à des transcriptions pour trois instruments. Nous interprétons aussi une sonate pour violon et basse continue, ainsi qu’une dernière qui a été écrite dès l’origine pour deux instruments à cordes et continuo : longtemps attribuée à Bach, elle est en fait certainement de la main de Goldberg, qui a inspiré les Variations Goldberg à Bach [interprétées par le claveciniste Jean Rondeau à Sinfonia le 21 août, NDLR]. Si elle est toute aussi savante que les autres sonates de Bach, son style est très différent.

Avez-vous une œuvre ou un compositeur baroque préféré ?

Depuis quelques années, Les Accents se consacrent à Scarlatti, qui devient mon compositeur préféré. Il a composé cent quinze opéras, mais qui sont très longs et peu enregistrés. Je préfère ses œuvres religieuses, et notamment ses oratorios. À une personne qui ne connaît pas Scarlatti, je conseillerais de commencer par Le Martyre de Sainte Théodosie, qui est une œuvre profonde, d’une variété agréable, très forte musicalement et émotionnellement.

Quel est votre plus grand souvenir de concert en tant qu’interprète ?

J’en ai beaucoup. J’ai en particulier un souvenir comme violon solo avec l’orchestre des Musiciens du Louvre, où nous avions fait un concert d’oratorio baroque italien de Scarlatti et Haendel, avec la chanteuse Cecilia Bartoli. Nous avions fait le concert de sortie du disque dans le forum romain impérial, dans la seule église de Rome qui n’est plus dépendante du Vatican. Les organisateurs n’avaient pas mis la scène à la place de l’autel comme on le fait habituellement, mais du côté des grandes portes de l’église : ouvertes pendant le concert, elles permettaient de voir le forum impérial. Jouer cette musique dans ce cadre, c’était extraordinaire.

Et en tant qu’auditeur ?

Lors de mes études en Angleterre, j’ai vu Pierre Boulez diriger le London Symphony Orchestra dans Daphnis et Chloé de Ravel : c’était une vraie claque.

Propos recueillis par Clémence Hérout

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